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Bédéphile et dévoué

Parmi les wavriens que nous voulions rencontrer à tout prix, il y a Patrick Pinchart.

Depuis plus de 30 ans, ce passionné « touche-à-tout » décrypte le monde de la BD.

Rédacteur en chef du journal « Spirou », responsable du département multimédia des éditions Dupuis, éditeur du site « actuabd.com » et journaliste, c¹est toujours avec le même plaisir qu¹il a porté ses différentes casquettes.

Aujourd¹hui, entouré de deux collaborateurs, Lionel Frankfort et Dimitri Perraudin, il lance Sandawe. Il nous explique les tenants et les aboutissants de ce projet qui lui est cher.



Bédéphile et dévoué
Wv.C. : Parlez-nous de Sandawe, votre dernier projet né il y a 4 mois. En quelques mots, en quoi consiste-t-il ?

P.P. : C'est une nouvelle maison d'édition de bande dessinée. Elle a pour ambition d'éditer des albums traditionnels (distribués en librairie, donc) et, simultanément, en version numérique. Sa particularité est de les financer via un concept tout neuf, le "crowdfunding" ou "édition participative". Les auteurs, tous professionnels, nous proposent leurs projets d'albums, et nous sélectionnons ceux de qualité. Ils sont alors présentés aux internautes via une bande-annonce, une sélection de planches, des extraits de scénario, bref toute une série d'éléments qui permettent de se rendre compte de l'intérêt du projet.

Ils peuvent alors investir de l'argent, à partir de 10 euros, pour permettre l'édition du livre. La somme récoltée permettra de payer l'auteur, l'impression du livre et sa promotion.

S'il est édité, les "édinautes" reçoivent le livre et se partagent les bénéfices. Ils ont donc tout intérêt à faire la promotion du livre, entre autres via des outils de "buzz" sur internet. Ca a l'air très compliqué comme ça, mais c'est en fait très simple: les lecteurs peuvent enfin devenir éditeurs des BD qu'ils aiment, à la mesure de leurs moyens.

Wv.C. : Pourquoi avoir créé cette tribu d¹édition ?

P.P. : J'ai travaillé 22 ans aux éditions Dupuis, notamment comme rédacteur en chef du journal "Spirou". Ce célèbre journal avait, pour l'éditeur, une fonction de laboratoire. Il permettait à des auteurs de se roder, de tester une nouvelle série et de tâter les réactions du public.

L'éditeur décidait de ce qu'il allait publier ensuite en albums. Certaines séries pourtant qualitatives ne se retrouvaient donc pas en librairie. J'appréciais particulièrement certaines d'entre elles, mais l'éditeur n'y croyait pas, ce qui est son droit.

Le lecteur, lui, n'avait pas la parole. Est-ce qu'il n'aurait pas apprécié de retrouver certaines histoires du journal dans sa bibliothèque? Est-ce que certains projets rejetés par l'éditeur n'auraient pas connu un succès en librairie ? Sandawe est un moyen de donner la parole aux lecteurs, aux libraires. A eux de choisir, parmi les bandes dessinées qui leur sont proposées, celles qu'ils ont envie de voir éditées.

Mais ils ne se contentent pas d'un simple vote, ce n'est pas la "Star'Ac", ils doivent investir personnellement de l'argent, ce qui est une garantie de leur véritable intérêt.
Wv.C. : Quels sont ses objectifs ?

P.P. : Permettre à des auteurs d'éditer leurs projets d'albums, et leur donner plus de chances d'exister dans le marché encombré de la bande dessinée. On publie, chaque année, entre 4000 et 5000 albums.

Les nouveaux projets n'ont aucune chance d'être vus par le public, car non seulement les nouveautés chassent rapidement les albums qui viennent d'être mis en place en librairie, mais en plus les éditeurs mettent toutes leurs forces promotionnelles dans les séries qui sont déjà best-sellers. Si des centaines d'édinautes font la promotion d'albums qu'ils ont aidés à éditer, cela donne immédiatement plus de visibilité à ceux-ci.

Et c'est intéressant également pour un libraire, lorsqu'il se trouve confronté à des dizaines de nouveautés qu'il ne connaît pas, de savoir que l'une d'entre elles a été plébiscitée par les internautes.

Bédéphile et dévoué
Wv.C. : Evoquons un peu votre carrière. Au long de celle-ci, vous avez maintes fois multiplié les initiatives destinées à lancer de nouveaux talents. Pourquoi cette volonté ?

P.P. : Parce que j'aime la bande dessinée, que j'aime les auteurs, que c'est un pan énorme de la culture contemporaine qui est ignoré, voire méprisé, par les médias et certains prétendus intellectuels, et que j'ai envie de la défendre parce qu'elle m'a apporté beaucoup de bonheur.

Je l'ai fait dans les années 70 avec un journal qui s'appelait "Skblllz", dans les années 80 avec une émission hebdomadaire de deux heures sur Radio Campus, intitulée "Dessine-moi un mouton", dans les années 90 et 2000 avec un site internet devenu référence, "actuabd.com", et bien sûr, au travers de mes diverses fonctions aux éditions Dupuis.

Wv.C. : Comment est né votre intérêt pour la bande dessinée ?

P.P. : Cela remonte au début des années 60. Ma grand-mère achetait, chaque semaine, à la librairie du village qu'était alors Wavre, la librairie Despontin, le journal de Spirou et le journal Tintin. Et comme dans tant d'autres familles belges de l'époque, le mercredi midi, en rentrant de l'école, on fonçait, mon frère et moi, pour les lire.

Certaines familles étaient plutôt "Spirou", d'autres plutôt "Tintin". Moi, j'avais de la chance, j'étais les deux. Mais un peu plus "Spirou", quand même, grâce à Gaston Lagaffe. Ce qui est paradoxal, c'est qu'à la même époque, quand on achetait un album, on devait toujours demander un emballage cadeau car c'était, disait-on, "pour offrir". On ne pouvait pas avouer qu'on l'achetait pour soi. C'était quand même très conŠ

Wv.C. : Quel est votre regard sur le monde actuel de la bande dessinée chez nous ?

P.P. : J'aimerais tant qu'il y ait plus de discernement de la part de certains éditeurs, qui noient les libraires sous des albums moyens, voire médiocres, qui ne méritaient pas d'être édités et qui seront rapidement pilonnés, mais qui, en attendant, empêchent certaines perles de toucher leurs lecteurs car elles sont cachées par cette forêt de livres sans intérêt.

La plupart des éditeurs font un travail de défrichage formidable, d'autres, pour occuper l'espace, acceptent n'importe quoi. Ca c'est mon regard sur la partie éditoriale.

Côté création, d'un autre côté, on vit une époque formidable et il n'y a jamais eu autant de bons auteurs. Par contre, à cause du phénomène que je viens de mentionner, peu ont la chance de pouvoir vivre de leur art, car il n'est tout simplement pas vu par le public.

La disparition des revues de bande dessinée n'aide pas, évidemment.

Heureusement, Internet parvient à combler partiellement ce vide en permettant à des auteurs de présenter leurs créations dans des blogs ou des sites communautaires. Et Sandawe.com, bien sûr, sera une autre réponse à ce problème.

Wv.C. : Un dernier coup de c¦ur BD ?

P.P. : Un recueil de nouvelles en bande dessinée signées, au scénario, par Zidrou (le papa de "L'élève Ducobu"), et au dessin par plein de chouettes auteurs.

Le titre? Accrochez-vous: "La vieille dame qui n'avait jamais joué au tennis et autres nouvelles qui font du bien".

C'est un livre qui rend heureux. Qui fait du bien. Positif, tendre, émouvant, drôle. Bref, un coup de foudre. Et puis "Jules", d'Emile Bravo, une merveille d'intelligence, d'humour et de générosité (je vous conseille aussi de lire la version qu'il a dessinée de "Spirou", tout aussi riche, drôle et généreuse).

Infos : www.sandawe.com - www.actuabd.com

Wavre Capital
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